Il veut des robes, elle joue à être un garçon !

Il veut des robes, elle joue à être un garçon !

*Crédit photo: Saphomag, www.saphomag.org/garcon-en-robe/

 Très jeunes, les enfants explorent souvent les jouets qui intéressent généralement plus spécifiquement l’autre sexe.  Certains garçons n’auront aucun intérêt pour les poupées et certaines filles contourneront rapidement les jeux de constructions, alors que d’autres manifesteront un intérêt marqué pour les jouets de « l’autre sexe ».  Dans cette variété de réactions, TOUT est normal ! Mais il arrive que fiston ait une obsession pour les vêtements de femmes, le vernis à ongles et les souliers à talons… dès l’âge de 4 ans !  Je pense ici à un de mes petits clients qui disait à sa maman avant mon arrivée : « J’ai hâte de voir comment elle va être habillée ! ».   En visite, il se faufilait pour aller voir la garde-robe de leur hôtesse et enfilait les souliers en cachette. Il disait souvent qu’il aimerait être une fille, mais parlait souvent de « quand il aurait une amoureuse et des enfants ». De plus, il faisait souvent des crises et écoutait très difficilement les consignes.  Papa et maman avaient beau être ouverts d’esprit, ils se demandaient bien comment réagir devant ces comportements… et n’étaient pas du tout d’accord sur la manière de le faire ! "Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire de travers !" C’est la question que bien des parents se posent, ainsi que ses dérivés: « Pourquoi mon garçon n’a pas envie d’être un homme ? Est-ce que mon modèle en tant qu’homme ne lui plaît pas ? » « Je voulais avoir un garçon, et je dois avouer que j’étais déçue d’avoir une fille.  Après quelques jours, ça m’était égal et j’étais très heureuse qu’elle soit là.  Mais est-ce que ça pourrait être la cause ? » « Et si grand-maman n’avait pas gardé tous les jouets de sa fille pour qu’il joue avec, est-ce que ça aurait pu être différent ? » « Elle veut garder ses cheveux courts et n’aime pas les choses de filles…  Du coup, les gens qui ne la connaissent pas la prennent souvent pour un garçon.  Ça me met mal-à-l’aise de voir leur réaction quand on dit son prénom . » « Lui acheter des souliers et des robes de princesse ou lui mettre du vernis, est-ce que ça empire le problème ? » « Est-ce qu’on doit accepter qu’il aille à la garderie avec une robe de princesse ? J’ai peur qu’il se fasse taquiner ou pire qu’il se fasse intimider à l’école.» Toutes ces questions sont légitimes et méritent qu’on les entende avec compassion et respect : les parents qui se questionnent veulent le meilleur pour leur enfant, et les accueillir sans jugement est essentiel : tant de gens y vont de leurs « conseils » bien intentionnés… mais totalement à côté de la plaque ! Quelques pistes de réflexion Pour accompagner ces parents, j’ai donc fait mes recherches.  De fil en aiguille, j’ai trouvé le site « Enfants transgenre Canada ».  Non pas que tous les enfants qui ont ce genre de comportements soient nécessairement transgenres (je soupçonne Jean Airoldi s’avoir fouillé dans les gardes-robes de ses  « matantes » !), mais bien parce qu’ils sont les mieux placés pour outiller les parents et intervenants pour répondre aux besoins des enfants qu’ils qualifient de « créatifs dans l’expression du genre », une expression que j’aime beaucoup et qui inclut toutes les possibilités que ces comportements peuvent signifier, allant du simple intérêt passager à l’enfant qui se sent né du mauvais sexe. Sur leur site, j’ai trouvé un grand nombre d’articles et de ressources très pertinents.  De plus, Mme Annie Pullen-Sansfaçon, professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal, et maman d’un enfant transgenre, m’a généreusement offert 30 minutes de consultation afin de me guider très objectivement dans mes interventions auprès de cette famille.  Voici donc un résumé de ce que je pu apprendre sur ce sujet !
  • À 4 ou 5 ans, il est trop tôt pour faire évaluer un enfant pour savoir s’il est transgenre. Il faut l’accompagner, ne pas le restreindre ou le culpabiliser et l’observer…  Ce n’est peut-être qu’un intérêt passager, ou tout simplement une véritable passion pour la mode féminine chez un garçon, ou le hockey chez une fille !  Ne mettons pas d’étiquettes, laissons aller les choses…
  • Plusieurs parents qui ont désiré un enfant d’un autre sexe et ont pu être été déçus quand ils ont accueilli leur enfant. Ces derniers  n’ont pourtant pas tous étés « créatifs dans l’expression du genre » pour autant.  Si vous craignez que cet épisode ait marqué votre enfant, il peut être important d’en parler ouvertement avec lui, tout en exprimant clairement votre joie de l’avoir lui ou elle, tel qu’il est aujourd’hui.  Si c’est encore difficile pour vous, il serait important de consulter : non pas parce que ça aurait un lien dans l’expression du genre de votre enfant, mais bien parce que les nœuds émotionnels ont toujours un impact sur le développement affectif.
  • Plus on cherche à réprimer les attirances des enfants envers certains types de jeux, plus ils deviennent convoités et peuvent même devenir obsessionnels. Rien ne devrait être tenté pour limiter leurs intérêts, et c’est d’ailleurs la politique des travailleurs sociaux que de ne rien faire pour tenter d’influencer l’expression du genre, tant chez l’adulte que chez l’enfant.                                                                                                                                                                                                                                                                     Par contre, on peut dire à un jeune enfant que les costumes restent à la maison et qu’il est impoli de fouiller dans les garde-robes des gens qui nous reçoivent !  Ce n’est pas de restreindre l’enfant dans son expression, c’est simplement de lui offrir des balises pour se comporter en société.                                                                                                                                                                                                                                                                 Si toutefois l’enfant manifeste de plus en plus fortement de l’inconfort à être du sexe dont il a hérité à la naissance, il serait bon de consulter des professionnels spécialisés dans ces situations : tout d’abord parce qu’il est parfois difficile pour les parents d’accepter la situation, mais ensuite pour savoir comment soutenir l’enfant dans ce qu’il vit.  Sortir habillé avec une robe pour un garçon ne sera alors plus un déguisement, mais une façon d’exprimer ses goûts ou son identité sexuelle différente de son sexe.                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Il existe aussi un groupe de soutien pour les parents dont les enfants sont « créatifs dans l’expression du genre », qu’ils soient transsexuels ou non (références à la fin de l’article).  Ce groupe peut les aider à exprimer et dénouer les émotions engendrées par la situation et peut guider les parents qui se posent des questions sur la conduite à tenir.  Les enfants qui participent ne sont pas nécessairement transgenre, et l’accompagnement vise à accompagner chacun de façon personnalisée.
  • Il est fréquent que les parents se sentent coupables, et particulièrement les papas : avoir un garçon à son image est souvent une confirmation de sa propre virilité. « J’aimerais ça jouer au baseball avec lui, mais il n’a aucun intérêt ! ».  N’a-t-on jamais vu un papa jouer à la Barbie avec sa fille même si ça ne l’a jamais intéressé ?  Il faut parfois faire un petit effort avec les garçons qui sont « créatifs dans l’expression du genre »…
  • RIEN de ce que vous avez pu dire ou faire n’a causé cette différence chez votre enfant. Même si vous offriez une tonne de Barbies à un garçon, s’il n’a pas d’intérêt, il jouera avec les boîtes ou fera des piles avec vos plats de plastique !  S’il est intéressé, c’est que ça vient de lui, point.
  • Enfin, si un enfant est réellement transgenre, le soutien parental indéfectible réduit de 93% les risques de suicide : ce n’est pas peu dire !!! Des parents aimants et à l’écoute (pas seulement tolérants…) feront de lui un enfant solide face aux jugements des autres qui  ne doutera pas de sa valeur malgré les embûches.
En résumé, il est très important de laisser votre enfant exprimer toutes les facettes de sa personnalité, d’éviter d’apposer des étiquettes hâtivement afin de se montrer ouvert (j’ai déjà vu une maman affirmer haut et fort que sa fille était homosexuelle à 7 ans parce qu’elle était « amoureuse » de sa meilleure amie), de laisser évoluer les choses tout en étant à l’écoute de l’état affectif de votre enfant. N’hésitez pas à aller chercher du soutien au besoin ! Quant au petit bonhomme qui avait tant hâte de voir comment je serais habillée lors de ma prochaine visite, une écoute et une dédramatisation de la situation avec les parents ont étés nécessaires, ainsi qu’une meilleure cohésion entre eux.  Après quelques mois, son intérêt pour les vêtements féminins  n’était plus obsessionnel, quoiqu’il les aimait toujours beaucoup !  Les tensions familiales avaient beaucoup diminuées, notamment grâce à ces mesures, mais aussi grâce à un meilleur leadership parental et à des moyens ayant favorisé le développement affectif de l’enfant… comme dans une grande proportion de familles avec lesquelles je travaille ! L’avenir nous dira comment il exprimera son genre à l’adolescence et l’âge adulte, mais pour  l’instant, il semble avoir retrouvé sa joie d’être un enfant ! Ressources : Sur Facebook :
  • Enfants transgenre Canada
  • Ni bleu ni rose
Site Internet (articles, références de professionnel, suggestions de lecture, groupe de parents) : Émission de télévision : www.formatfamilial.telequebec.tv/emissions/25/avoir-un-enfant-transgenre/476/avoir-un-enfant-transgenre
Manon Gauthier

Éducatrice spécialisée et coach familial certifié couvrant la région de la Mauricie. Elle intervient auprès des enfants de 0-25 ans. Membre du Réseau Nanny secours depuis 2013.

Manon Gauthier

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