En tant que parent, je détestais que mes enfants soient obligés d’être habillés jusqu’au cou alors que mon fils avait toujours chaud. Et que dire des fois où il s’est ramassé un « billet » parce qu’il n’arrêtait pas de se tirailler. Ou que me fille me disait qu’ils devaient finir de manger en silence et lever la main pour aller aux toilettes. Et j’enrageais quand ils disaient qu’ils avaient étés forcés de manger une certaine quantité ! La mère en moi se révoltait qu’on les prive de leur propre jugement et de leur spontanéité d’enfants.
Puis j’ai travaillé dans une école… Dans LEUR cour d’école plus précisément. J’étais tellement contente : enfin, je pourrais assouplir ces règles complètement cinglées ! Mal m’en pris parce que la réalité m’a bien vite rattrapée… Et même si je ne suis toujours pas d’accord avec ces règles, je les ai appliquées moi aussi, volontairement. Avec quelques bémols, mais quand-même… Parce que la cour d’école, ce n’est pas le monde idéal et qu’il faut faire avec !
Voici donc quelques règles, expliquées aux parents :
1 - Silence, on dîne !
Finir le repas en silence sous peine de rester quelques minutes à l’intérieur après tout le monde. Pourquoi donc ??? Eh bien vous n’avez pas idée du bruit, pour ne pas dire du vacarme qui règne dans un gymnase où 100 à 200 élèves s’entassent après avoir passé un avant-midi assis derrière un bureau !!! Rien de bien relaxant pour le système nerveux des surveillantes (c’est leur travail vous me direz…), mais que dire de manger dans un environnement aussi bruyant ! J’ai donc usé d’autorité pour obtenir un 5 à 7… minutes de silence. Et beaucoup d’enfants m’en remerciaient: pauvres petits qui avaient tant besoin de calme ! Il m'arrivait de transgresser les règles et d'envoyer manger des petits élèves tranquilles dans mon bureau... sans surveillance constante. Mais chut ! Je n'avais pas le droit !!!
2 - Mange encore trois bouchées…
Non mais celle-là, je n’aurais jamais cru que je la dirais un jour ! Et pourtant… Je n’avais pas le choix avec certains enfants, particulièrement ceux qui étaient médicamentés (certains médicaments coupent complètement l’appétit). Et d’autres qui « oubliaient » de manger dans cette ambiance effervescente et se lançaient dehors dès qu’ils avaient l’autorisation de sortir… se plaignant à leur enseignante qu’ils avaient faim en rentrant. Ou encore, quand un parent inquiet nous appelait pour signaler que le lunch de son enfant restait pratiquement intact depuis des semaines. Allô la concentration en après-midi !!! La règle du «5 à 7 minutes de silence » était d’une grande aide pour résoudre ces difficultés.
3 - À qui as-tu demandé pour aller aux toilettes ?
C’est un non-sens… Pourquoi devraient-ils demander la permission à quelqu’un pour répondre à un besoin aussi élémentaire ? Eh bien tout simplement parce qu’il y a peu de surveillances aux toilettes. Ce qui en fait un endroit rêvé pour régler des comptes et tester notre pouvoir sur les autres. Ou faire des « niaiseries » comme regarder sous la porte, boucher le lavabo avec du papier brun ou, encore plus drôle, lancer du papier mouillé au plafond (Quoi ? Vous n’avez jamais essayé ? Ça colle et c’est vraiment rigolo… sauf pour le concierge !). Alors pour la sécurité de votre enfant, on préfère savoir qui est aux toilettes avec qui (certains mélanges sont plus explosifs !) et depuis combien de temps.
4 - « Arrêtez de vous tirailler, les gars »
Ça non plus je n’aurais jamais cru m’entendre le dire aussi souvent ! Pour moi, il est évident que des « p’tits gars » (et même plusieurs petites filles) ça se tiraille. Comme de jeunes loups ou des petits chats. Même que j’aimais bien me tirailler avec mon fils. D’ailleurs, il a appris à respecter mes limites et à ne pas me faire mal. Mais dans une cour d’école, il y a des brutes ! Des plus grands (et même parfois des plus petits !) qui n’ont pas appris à faire attention et qui en profitent pour défouler leurs (nombreuses) misères sur le dos des autres. La rééducation à ce sujet est parfois longue… et je suis certaine que vous n’apprécieriez pas que votre enfant serve d’instrument de pratique ! Alors on minimise les drames : on leur apprend dans des jeux plus structurés tels que le ballon-chasseur et le soccer.
5 - Entre deux saisons : l’enfer de l’habillement !
Avec les plus petits, pas trop de problème : ils mettent ce qu’il y a sur leur crochet. Mais à mesure qu’ils grandissent, ils veulent décider. Et prônant l’autonomie sur ce plan, je ne voyais pas non plus pourquoi on devrait s’en mêler. Mais les parents, avant que leur enfant atteigne l’âge de 9 ou 10 ans, croient généralement fermement que leur enfant sera malade s’il n’est pas habillé suffisamment. Bon, je ne donnerai pas un cours sur le système immunitaire ici, mais à moins qu’il grelotte mouillé dans un coin, si un enfant dit qu’il a chaud, c’est généralement... parce qu’il a chaud. Il court lui, dans la cour d’école ! Mais à force d’avoir des plaintes de parents auprès de la direction (!!!), on exige un petit minimum qui n’est souvent pas encore assez pour les parents (souvent les mères…) poules !
Et que dire des va-et-vient incessant dans l’école pour aller chercher un vêtement parce que l’enfant avait mal évalué la température : pour les mêmes raisons que pour les toilettes, nous devons assurer une surveillance. Alors oui, j’ai exigé qu’ils sortent un peu trop habillés, quitte à faire un tas de manteaux dans un coin. Et à mettre à la vue les oubliés avant qu’ils ne se retrouvent dans les objets perdus… au grand dam de certains parents !
Vivre avec la réalité…
Pour faire mon travail au mieux, j’ai donc souvent dû ravaler mes principes. L’école primaire de rêve aurait au maximum 150 élèves, des locaux pour les séparer en petits groupes pour manger, un nombre suffisant de surveillant(e)s pour surveiller en tout temps les toilettes et les (nombreux) corridors… et des parents impliqués qui tentent de comprendre la réalité de la gestion d’un si grand nombre d’enfants tout en veillant au bien-être des leurs. Parce qu’en général, le personnel présent sur l’heure du dîner, souhaite vraiment répondre aux besoins de chacun, dans la mesure du possible.
Si votre enfant vit des difficultés pendant l’heure du dîner, communiquez de façon franche et ouverte avec eux. Qu’il soit possible ou non de changer une situation, il est toujours possible d’y être sensible et de l’accompagner pour qu’il trouve un moyen de mieux vivre la contrainte. Après tout, il vivra dans sa vie un grand nombre d’irritants découlant du monde pas si idéal que ça dans lequel nous vivons. Apprendre à composer avec ces désagréments lui sera d’un grand secours. Par contre, si vous sentez qu’il y a de l’abus de pouvoir ou un manque flagrant de sécurité de la part du personnel, n’hésitez pas à contacter la direction de l’école.
Bref, insistez pour que les besoins de vos enfants soient respectés et enseignez-leur des moyens de composer avec les contraintes de la vie en grand groupe ! Vous en ferez des adultes confiants et solides !