Rassurez-moi! Dites-moi, qu'à votre âge, en tant que papa, vous avez dit, au moins une fois dans votre vie : « Une chance que mes parents m'ont forcé à faire... », peu importe de quoi il s'agit. Je suis dans une impasse. Je me sens quelque part entre le papa dictateur et la mauviette qui fléchit les genoux, chaque fois qu'elle sent le coeur de son enfant devenir triste... même lorsqu'il fait semblant!
Voici la situation :
J'oblige mes enfants à suivre des cours de piano. Je sais, ce n'est pas comme si je les forçais à s'enrôler dans l'armée pour aller faire la guerre au « Kikaboulijistant" » (?), mais quand même...
Au début, tout était beau. Ils avaient choisi eux-mêmes les moments pour répéter. Mais les cours se sont évidemment complexifiés. Les méthodes sont devenues plus difficiles, et là, ont commencé les grincements de dents. Moi, comme tout bon Fidel Castro, j'ai gardé la ligne dure. Monstre, que je suis! Je savais que ça ne pourrait pas rester ludique tout le temps. Et, ce qui jette de l'huile sur le feu, c'est que je n'ai jamais de réponse claire ou convaincante à donner lorsqu'ils me demandent, avec un air de victimes torturées par la Gestapo :
« Pourquoi? » Pourquoi on insiste tant?
Encore une fois, Saint-Paternité me vient en aide et m'éclaire...
Et je leur réponds, tout fier de mon trait de génie : « Vous me reposerez votre question dans vingt ans », en espérant que le temps leur permettre d’oublier. Mais non! Elle revient régulièrement. Et bien sûr, le doute parental nous assaille.
Est-ce qu'on a raison d'insister tant que ça? Peut-être est-ce de l'impatience de parents que de vouloir à tout prix inscrire nos enfants dans « que qu'chose », juste pour les occuper et inconsciemment leur préparer un avenir?
Il y a un dicton qui dit que l'enfance est un temps de préparation et non un temps de performance. Or, dans la définition de « préparation », il y a la recherche, la conquête de la petite flamme qui nous fera briller toute notre vie.
Ce serait si facile, en tant que papa, de ne rien imposer à ses enfants. Or, je découvre, qu'à ce titre, je dois aussi participer à l'aspect contrainte de leur existence. Je savais que j'étais un support. Je savais que j'étais le grand consolateur. Je savais même, que je devais être celui qui encourage dans les moments creux.
Des opportunités à offrir pour choisir…
Mais là, je me sens comme un coach de football. Je me vois en train de mâcher ma gomme derrière le banc du piano, en faisant les cent pas, avec un regard qui veut voir « scorer » quelqu'un. Et au long de ces cent pas, sans que mes enfants le remarquent, je doute. Est-ce que je fais bien d'y tenir tant?
Diront-ils, un jour (dans 20 ans) : « Merci d'avoir insisté! »? Iront-ils recevoir leur prix Nobel, pour la première fois, remis à une famille entière pour sa grande contribution au monde de la musique? Et dans leurs discours de remerciement, me rendront-ils hommage? Ou bien, vais-je les ramasser sur le divan du psy parce qu'ils auront développé une névrose, et que chaque fois qu'ils entendront de la musique, ils perdront leurs cheveux et se cacheront dans le fond d'une garde-robe, ou lorsqu'ils apercevront un piano, feront des boutons entre les fesses?
Au moment où j'écris ces lignes, ils sont à un mois du concert annuel. Ils ont un plaisir certain à s'y préparer. Peut-être éviteront-ils le psy! Mon père disait souvent, qu'un enfant, c'est un ordinateur avec un disque dur vide. Notre travail de parents est de le remplir. Ils mettront à la corbeille ce qu'ils voudront. Je ne peux pas faire le travail pour eux. Moi, je remplis le disque. Je leur fais finalement le plus beau des cadeaux. Je leur donne le choix pour plus tard. Le choix de dire : « Ça, j'ai aimé! »ou bien : « Ça, je n’'ai pas aimé! » -, plutôt que de répéter: « J'aurais aimé que… mes parents me forcent à… ».
Je suis le gérant d'un buffet. J'offre des choix, et ils pigeront à volonté selon leurs goûts. Ça fera 12,95$, taxes incluses.
Texte rédigé automne 2008