L’autisme est une condition souvent mal comprise par la population générale. Une des manifestations les plus spectaculaires et déstabilisantes chez les jeunes autistes est l’automutilation. L’automutilation désigne le fait de s’infliger des blessures de diverses natures sans intention suicidaire. Généralement, la personne qui s’automutile porte ses coups au niveau de la peau, se brûle, se coupe, se griffe, se cogne la tête contre le mur, se tape le visage, s’arrache les sourcils, les cils ou les cheveux. J’ai même observé une jeune fille qui plaçait son doigt dans l’orbite de l’œil pour en faire sortir son œil. Pourquoi de tels comportements ? En être témoin est très déstabilisant. Comment réagir et intervenir ? Est-il préférable d’arrêter le geste, de l’interdire ou de tenter de le modifier, le remplacer ?
Rien n’est pire pour un parent que d’être confronté aux comportements automutilateurs et agressifs de son enfant. Assister à ces comportements, y penser, en parler est pénible, mais ils existent et il faut y faire face et s’en occuper. À force de se frapper violemment la tête contre les murs ou le sol, des enfants se sont infligé des fractures du crâne, des décollements de rétine ou ont perdu l’ouïe. D’autres se sont cassé le nez, déformé les oreilles ou aveuglés à force de coups de poings ou de genoux. Certains enfants mordent, se mordent, frappent les autres enfants ou leurs parents au point de se faire des fractures.
Mais quelles sont les causes de ces comportements ? Pourquoi agissent-ils ainsi ? Dans les cas d’autistes non-verbaux, l’automutilation peut être un mécanisme d’adaptation pour exprimer ou gérer des émotions négatives ou de la douleur perçue. Même chez les enfants verbaux, la communication peut être difficile pour bien exprimer ce qu’ils pensent ou ressentent. Ils peuvent donc recourir à l’automutilation par mal-être, douleur, colère ou frustration qu’ils ne peuvent ou ne savent pas comment exprimer. L’ennui peut aussi être la cause de comportements inappropriés qui s’installeront durablement si on ne leur offre pas d’occupation. Dans d’autres cas, un enfant réagit à un environnement qu’il ne comprend pas, créant chez lui un sentiment de panique. Une simple manie comme se ronger les ongles ou se tourner une mèche de cheveux peut sembler anodine. Mais chez un enfant anxieux ou « dans la lune » (TDAH ou perte de contact avec la réalité) qui répète cette manie de nombreuses fois au cours d’une journée, ce comportement peut devenir dommageable : s’arracher des cuticules jusqu’à en saigner ou s’arracher des mèches de cheveux à force de jouer avec ses cheveux. La majorité des autistes présentent des difficultés au niveau du système nerveux, de la proprioception ou de la neuromodulation. Ils ont de la difficulté à avoir conscience de leur corps. Certains n’aiment pas être touchés. Temple Grandin, autiste Asperger, rapporte dans son livre : « Alors qu’elle me câlinait, je la griffais, je la griffais comme un animal pris au piège » (T. Grandin, Ma vie d’autiste, 1994).
Lorsque nous sommes témoins de tels comportements, nous sommes tentés d’arrêter spontanément l’enfant de se faire du mal. Malheureusement, nous disons trop souvent non aux enfants, ou encore, nous leur disons uniquement ce qu’ils ne doivent pas faire. Mais le cerveau ne saisit pas la négation : il retiendra donc seulement frapper lorsqu’on dira par exemple : « Arrête de frapper ». Il est donc préférable de lui dire ce que nous attendons de lui, ou de rediriger son attention sur une autre tâche. Ensuite, il faut observer l’enfant pour déterminer dans quelle situation il se mutile, tenter de voir s’il y a un déclencheur (un changement dans sa vie, sa routine), chercher ce qui le rend anxieux, vérifier si son comportement est le même à l’école qu’à la maison, etc. C’est un processus long, parsemé d’essais-erreurs, alors n’hésitez pas à chercher de l’aide. L’éducatrice de l’école pourrait vous aider en remplissant un tableau d’observation des comportements par exemple. Soyez patients et à l’écoute de votre enfant : vous êtes sûrement les mieux placés pour déterminer ses besoins. Il importe donc de cibler ce qui ne va pas et de lui enseigner comment exprimer ses besoins, ses colères ou ses frustrations autrement.
L’automutilation chez les enfants autistes est un comportement complexe et souvent déstabilisant pour les parents et les éducateurs. Comprendre les causes sous-jacentes, qu’elles soient émotionnelles, sensorielles ou liées à des difficultés de communication, est essentiel pour intervenir de manière appropriée. Plutôt que de simplement interdire ces comportements, il est crucial de rediriger l’attention de l’enfant vers des actions positives et de lui enseigner des moyens alternatifs pour exprimer ses émotions et ses besoins. Ce processus demande patience, observation et souvent l’aide de professionnels. En étant attentifs et en fournissant un soutien adapté, nous pouvons aider les enfants autistes à mieux gérer leurs émotions et à réduire les comportements d’automutilation.
Enseignante au primaire - Membre du Réseau Nanny secours depuis 2015 - 2018.