J'ai récemment fait la lecture d'un article de Mounir H. Samy, paru dans la revue « Prisme » il y a quelques années. Malgré la date de sa parution, il est toujours d'actualité. Il relate les valeurs véhiculées dans notre société versus celles que les parents tentent d'inculquer à leurs enfants au sein de leur famille. Un des éléments très intéressant est l'illustration de deux grandes obsessions de notre société qui sont normalement très valorisées; la quête de l'estime de soi à tout prix et l'importance des droits de la personne.
J'ai donc décidé de partager avec vous certaines des opinions de l'auteur ainsi que des exemples du résultat de cette quête absolue sur nos enfants. Il nous partage certaines anecdotes, dont il a lui-même été témoin au cours de sa carrière de psychiatre et de psychanalyste, toutes plus aberrantes les unes que les autres.
Vous serez tous d'accord pour dire que nous accordons une très grande importance à l'estime de soi et surtout chez nos enfants, mais à quel prix?! Tout est dans l'équilibre, mais pour l'atteindre, il faut en connaître les extrêmes. Nous connaissons tous les effets dévastateurs d'une dévalorisation, à court et à long terme sur nos enfants, mais avoir trop d'estime de soi, c'est possible?
Selon l'auteur, la survalorisation nuit au développement de l'empathie, de l'humilité, du contentement et de la modestie. Notre société valorise plutôt le contraire; la compétition, la performance et l'individualisme. Cette pression sociale s'ajoute au poids déjà existant sur le dos des parents qui tentent d'enseigner le contraire à leurs enfants.
« Un véritable sentiment de sa propre valeur et une saine estime de soi ne résultent pas tant de la compétitivité et de la performance, mais bien plutôt de la conviction intime d'être l'objet du désir profond de ses parents, de se sentir aimé inconditionnellement par eux. »
Quel enfant n'a pas, un jour ou l'autre, crié à l'injustice? La revendication aux droits personnels va de soi pour la plupart d'entre nous, mais où est la limite? Voici les résultats possibles, observés par l'auteur, qui illustre bien le « TROP » dans l'expression « trop c'est comme pas assez! ».
Ouf… ça fait peur! Ces exemples illustrent très bien le résultat (extrême) d'une éducation beaucoup trop permissive. Bien évidemment, ce sont les pires scénarios, mais surement que plusieurs parents n'imagineraient même pas que de tels résultats soient possibles. Il est donc très important, en tant que parent, d'être conscient de l'importance de son rôle. Les parents doivent trouver la ligne entre la négociation et la limite ferme. Tout un contrat!
D'après l'auteur, «les parents ont cherché à éviter aux enfants tout sentiment de culpabilité. Or, la culpabilité est un sentiment coriace : au lieu de disparaître, il a seulement changé de camp. Maintenant, ce sont les enfants qui amènent leurs parents à se sentir coupables. »
Et maintenant, on fait quoi? On retourne à une éducation rigide et sans appel? Pas nécessaire! Je crois que ce qu'il y a à retenir est que l'on doit donner à l'enfant le pouvoir qui lui est dû, mais pas plus. Afin d'éviter de se retrouver à l'adolescence avec un enfant qui se désorganise à chaque contrainte, il faut lui permettre d'apprendre à composer avec ses frustrations en commençant dès la petite enfance en lui imposant des limites. Et oui, le « terrible two » et le « f…. four » ne sont pas facile, mais tellement important dans leur développement. Plus vous commencerez jeune à leur imposer un cadre, plus ce sera facile pour vous tous.
Et l'estime de soi dans tout ça? Il est essentiel d'encourager nos enfants et de croire en leur potentiel. Il ne faut jamais rabaisser ou encore humilier un enfant sous prétexte qu'il doit comprendre la leçon. Cependant, il faut apprendre à doser nos renforcements positifs, car la surabondance de compliments risque de devenir acquise et banale. Cela ne veut pas dire de banaliser tout ce que l'enfant fait, mais plutôt accepter qu'ils ne sont pas parfaits et notre « devoir » est de les aimer de façon inconditionnelle.
Prenons l'exemple d'un enfant qui bougonne et qui dit que son dessin n'est pas beau.TROP : « Ben non mon p'tit loup. Il est extraordinaire ton dessin. Tu fais toujours des beaux dessins. Moi je le trouve très, très beau. »
PAS ASSEZ : « Tu as bien raison. Il est laid ton dessin. Tu ne t'es pas beaucoup forcé ! Tu ne t'applique jamais quand tu fais du dessin. »
JUSTE MILIEU : « Tu n'aime pas ton dessin? Qu'est-ce que tu n'aimes pas? Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aimes? Tu aurais aimé que ça ressemble à quoi ? Ça m'arrive des fois de ne pas être satisfait de ce que je viens de faire. Je me dis que je m'appliquerai plus la prochaine fois! »
Conclusion… Trop, c'est comme pas assez!! ;)
Tous les éléments en italique sont tirés de l'article suivant : Enfance, famille et société - Le mythe de la réalisation personnelle, Mounir H.Samy, Revue Prisme #29, 1999, pages 24 à 40.
Éducatrice à l'enfance, coacf familial et fondatrice de Nanny secours. Entrepreneure depuis l'automne 2006.